Je suis psychorigide et alors ?

Comment transformer une rigidité anxieuse en exigence utile (avec l’approche PACTE)

Il relit trois fois ses mails, ajuste les marges d’un tableau comme on ajuste une aile d’avion, blanchit à l’idée d’un “on verra”. Vous l’avez reconnu — peut-être vous êtes-vous reconnu. Au travail, la “psychorigidité” irrite parfois… mais elle évite aussi bien des catastrophes. Et si, plutôt que de la combattre, on l’orientait ?

L’enjeu n’est pas de se renier, mais de faire passer une obsession du “parfait” à une exigence “utile” pour l’équipe. C’est précisément ce que propose la méthode PACTE (Percevoir, Analyser, Communiquer, Transformer, Évaluer), pensée pour apprivoiser nos angles morts… y compris la rigidité.

Psychorigide, de quoi parle-t-on vraiment ?

Ce n’est pas un diagnostic psychiatrique, mais un style de fonctionnement : amour des règles, intolérance à l’ambiguïté, contrôle des détails, peur des imprévus. Dans la grille “20 personnalités difficiles” popularisée par Manager les 20 personnalités difficiles, cette rigidité se croise le plus souvent avec le profil “Perfectionniste” — un “rigide conforme” qui veut tout faire “dans les règles de l’art” —, rattaché à la faille d’Injustice en mode passif. En creux : la sensation de “faire plus que les autres” sans reconnaissance équitable, d’où des exigences très élevées (pour soi et… pour tout le monde).

Ce modèle s’appuie sur une idée simple : derrière chaque attitude “difficile” se cache une vulnérabilité psycho-affective (failles de rejet, abandon, humiliation, trahison, injustice, dévalorisation, jalousie/envie, privation, empathie déficiente, altruisme excessif), exprimée en mode passif (repli, évitement, plaintes, anxiété) ou actif (confrontation, contrôle, rigidité). Nommer la faille n’excuse rien ; cela ouvre un levier d’action.

Ce que la rigidité cache (et protège)

Les approches psychodynamiques éclairent l’arrière-plan : la rigidité ressemble parfois à une “armure”. Dans la lignée Reich–Lowen, John Pierrakos a décrit comment l’énergie psychique se fige en “structures de caractère” : quand l’environnement bouscule trop, le corps-esprit “plaque” des défenses pour tenir. C’est efficace à court terme — on garde le cap, on encaisse —, mais coûteux dès que le monde exige de la souplesse. Autrement dit, la rigidité a d’abord été une excellente solution… devenue parfois un problème de contexte.

Quand la rigidité rend service (et quand elle casse)

Dans les métiers à forte responsabilité (qualité, finance, réglementaire, production), cette vigilance extrême sécurise : standards respectés, risques anticipés, livrables soignés. Le paradoxe ? Sous stress, le même réflexe durcit : micro-management, refus du “80/20”, retouches infinies, difficulté à déléguer, crispation en réunion (“ce n’est pas la procédure”). L’équipe ralentit, la collaboration s’étiole, l’innovation se fane. C’est ici que l’approche PACTE change la donne.

PACTE, mode d’emploi appliqué au “psychorigide”

Percevoir. Commencez par des faits, pas des jugements : où la rigidité aide-t-elle (qualité, sécurité, fiabilité) ? où freine-t-elle (retards, tensions, sur-contrôle) ? Notez quand, avec qui, dans quelles conditions (échéance courte, forte exposition, interlocuteur hiérarchique). Ce relevé calme l’émotion et fait apparaître les déclencheurs.

Analyser. Quelle faille est la plus plausible ? Chez les profils “psychorigides”, le sentiment d’injustice — “je fais beaucoup, on reconnaît peu ; les autres bricolent, je répare” — est fréquent. On peut y trouver des touches d’humiliation (peur d’être critiqué publiquement) ou de dévalorisation (peur de l’erreur). Repérez aussi le mode d’expression : passif (revérifications, immobilisme) ou actif (normatif, coupant). Ce tri oriente la suite.

Communiquer. Oubliez le procès d’intention. Préférez le factuel assertif : “Quand la présentation est réécrite cinq fois la veille, voilà ce qui se passe : l’équipe s’épuise, on perd le fil, on retarde le comité.” Puis ajoutez l’intention commune : “On veut un rendu fiable et à l’heure.” Enfin, proposez un pont : critères de qualité partagés, bornes de relecture, “définition du prêt” claire. Le message : “je respecte ton exigence, je te donne un cadre pour qu’elle serv(e) le collectif.”

Transformer. Co-construisez de petits pactes opérationnels : une seule itération de relecture ; critères “suffisamment bon” décidés à l’avance ; un créneau hebdo pour les sujets “règle/process” (et pas en urgence à 22 h) ; une délégation test sur un périmètre sécurisé. L’idée n’est pas de “lâcher prise” au forceps, mais d’apprendre le relâchement utile, mesuré.

Évaluer. Mesurez sur 4 à 6 semaines : délais tenus, nombre d’itérations, satisfaction de l’équipe, stress ressenti. Ajustez, capitalisez, et recommencez une boucle. La rigidité devient alors un actif régulé plutôt qu’un réflexe subi.

Cinq micro-déclics pour passer de “parfait” à “utile”

Remplacer “parfait” par “clair”. Ce que le client attend n’est pas la perfection abstraite, mais des critères explicites (trois messages clés, un risque et sa parade, une recommandation). Écrits à l’avance, ces critères neutralisent la dérive “encore une dernière retouche”.

Ritualiser le 80/20. Décidez qu’à J-2, on gèle la structure ; à J-1, seules les fautes et incohérences flagrantes sont retouchées. Tout le reste va dans la “liste version 2”. Le cerveau rigide accepte mieux un cadre que l’injonction “arrête”.

Nommer la peur, sans s’y soumettre. “J’ai peur d’être pris en défaut” est un excellent signal. On protège par des filets : relecteur pair unique, check-list courte, minute de silence avant envoi pour vérifier titres/chiffres. On honore l’exigence, on ** borne** le temps.

Déléguer “avec rails”. Délégation n’est pas abandon : livrable attendu, niveau de qualité, points de contrôle, décision finale. L’armure lâche quand elle sent que la sécurité n’est pas menacée.

Préférer les règles vivantes. Une règle n’est pas un totem ; c’est une hypothèse à réviser. Inscrivez au rituel d’équipe un moment “règle à débunker / règle à adopter”. Le besoin de structure est nourri, l’agilité aussi.

Manager un collaborateur psychorigide sans le braquer

Rien ne crispe plus que l’arbitraire. Cadrez par le sens : “ta rigueur est précieuse pour notre conformité ; je veux l’orienter vers là où elle crée le plus de valeur.” Contractualisez des “non-négociables” (deadlines, niveau de détail en fonction du public, nombre d’itérations) et offrez des terrains d’excellence (gardien des standards, référent check-list, pilote d’audit à blanc). On ne “déprogramme” pas la rigidité ; on la place au bon endroit.

Attention aux confusions utiles : un “rigide conforme” n’est pas nécessairement passif-agressif (qui sabote en sous-main), ni arrogant (qui humilie). Les leviers ne sont pas les mêmes : avec un perfectionniste, on rassure et borne ; avec un arrogant, on recadre et responsabilise ; avec un passif-agressif, on rend visibles les faits et on clarifie les conséquences. D’où l’intérêt de bien nommer le profil en amont.

Et si c’était… vous ?

Beaucoup de cadres découvrent un jour être “la personnalité difficile de quelqu’un”. Bonne nouvelle : une rigidité assumée et apprivoisée devient marque de fabrique. L’étape clé consiste à reconnaître l’armure (ce qui se tend en vous quand survient l’imprévu) et à décider la garder (contrats, conformité, chiffrages) et l’assouplir (idéation, itérations, co-construction). Les travaux de Pierrakos montrent que la défense n’est pas l’ennemie : elle a protégé. Elle doit seulement cesser de gouverner.

L’approche PACTE vous évite les slogans creux. Enchaînez vos boucles sur des choses concrètes : un rituel de préparation de réunion plus léger, un “stop retouches” 24 h avant rendu, un binôme de confiance pour relire l’essentiel, un critère “suffisamment bon” rédigé noir sur blanc. Percevoir ce qui coince, analyser la faille en jeu, communiquer sans humilier, transformer par micro-engagements, évaluer sans se juger — et recommencer. C’est ainsi qu’une armure devient un allié.


Au fond, “je suis psychorigide, et alors ?” veut dire : je choisis où ma rigidité protège et où ma souplesse permet. Dans des organisations de plus en plus mouvantes, on a besoin des deux. Votre exigence est précieuse ; orientez-la. Et souvenez-vous : entre “parfait tard” et “clair à l’heure”, les clients — et vos collègues — ont déjà tranché.


David Eyraud, coach professionnel, spécialisé dans l’accompagnement des managers et auteur du livre « Manager les 20 personnalités difficiles » aux éditions GERESO.

Me joindre : 07.61.51.63.26 / david.eyraud@coaching-pacte.com

Eyraud David

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